Pour qui brûlent nos âmes – Début du roman

26 Juil 2022 | Extraits | 0 commentaires

Prologue : Comme Sélim se rendait chez le barbier avant la prière du vendredi pour rafraîchir sa coiffure et dompter sa barbe, le messager de Dieu qu’il attendait depuis plus d’un an se matérialisa sous la forme d’un vieil homme édenté au visage émacié, balayé par des mèches d’étoupe. L’homme vêtu d’une large djellaba en toile écrue lui saisit la manche de sa chemise pour lui tendre une enveloppe de petit format, sans rien dire, et s’éclipsa aussitôt. Sélim ne chercha pas à rattraper le patriarche aux sandales usagées qui avait accompli sa mission. Il attendit que le barbier eut terminé son travail pour ouvrir la missive sur le chemin du retour vers la chambre que son patron lui louait. Un petit bout de papier plié en quatre était à l’intérieur. Quelques mots y étaient griffonnés d’une écriture minuscule, précédés de la formule consacrée : bismillah ar-rahman ar-rahim1. Au nom de Dieu le miséricordieux.

Nassira : C’était jour de marché. Nassira se leva dès l’aube avec l’entrain retrouvé de la jeune femme qu’elle n’était plus. Elle ouvrit la fenêtre de son modeste logis. Le ciel dépourvu de nuages promettait une nouvelle journée torride, il n’avait pas plu depuis cent jours. Elle raccorda son poste de radio à la prise électrique murale, qu’elle débranchait chaque soir avec l’idée d’économiser de l’électricité, puis elle mit de l’eau à chauffer dans sa bouilloire sur le feu de la gazinière. Elle en réserva une part pour le thé, l’autre pour son ablution préalable à la prière du matin qu’elle préférait pratiquer chez elle plutôt qu’à la mosquée, où les femmes se rendaient autant pour papoter que pour prier. Elle ouvrit sa boîte de makrouts1 préparés la veille et en dégusta un morceau en sirotant un verre de thé à la menthe. Elle se laissa aller à reprendre le refrain de Nhar Lefrak Bkit2 de Cheb Hasni3 qui passait à la radio du matin au soir. Elle était devenue plus attentive au contenu de ses chansons depuis l’assassinat du chanteur il y avait presque deux ans déjà, alors que leur mélodie suffisait à la combler de joie avant le malheur. Comment de telles paroles avaient pu conduire à tuer cet homme ? Il ne chantait que l’amour ! 1. Gâteau de semoule fourré aux dattes.


2. Le jour de la séparation j’ai pleuré.
3. Chanteur de raï, assassiné à Oran en septembre 1994 par le Groupe Islamique Armé, organisation terroriste active dès 1992 en Algérie.

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